Comme quoi pour aujourd’hui, les anciennes traductions ont des conséquences…

Un peu de culture mathématique  :

Continuons sur la recherche de l’origine des mots mathématiques….

I.La chose (x)

Voilà j’ai fait participer des amis (merci Hassan et Morgane!) sur la traduction du passage suivant (issue de la vidéo de l’article précédent)  de Al-jabr wa’l-muqabalah l’oeuvre de Al-Khawarizmi mathématicien arabe célèbre pour ces méthodes de résolutions des équations du 1er et 2nd degré.

signifierait :

 » Une partie d’une chose  est un nombre dont le rapport à 1 est équivalent au rapport de 1 par rapport à la chose.
[La suite fournit des exemples] : prenons le chiffre 3.
Si la chose vaut 1/3, alors le produit de 3 par 1/3  vaut 1.
Si la chose vaut 1/4, alors le produit de 4 par 1/4 vaut  1.
Si la chose vaut 1/5, alors le produit 5 par 1/5 vaut 1″
[On en revient toujours à un rapport sur le chiffre entier 1]

Donc mathématiquement, il résout l’équation : a \times x=1.

On observe bien qu’ici la dénomination de l’inconnue est appelée chose. Pas de démonstration également , juste une méthodologie ce qui était courant à cette époque, il faudra attendre quelques siècles avant des justifications mathématiques apparaissent dans les écrits (étrange alors que certains  mathématiciens grecs ont fait des efforts en ce sens 1 millénaire avant)

La lettre « Sheen » (ش) du mot « Shalan«  (شىء ou al-Shalan الشىء) était intraduisible phonétiquement en langue européenne, en conséquence les espagnols ont utilisé la lettre grec  χ (par une traduction en « Xi ») qui a donné X, la fameuse inconnue X.

 

Continuons !

II. Algèbre et algorithme.

Le mot algèbre vient du titre de l’oeuvre Al-jabr wa’l-muqabalah écrit par Al-Khawarizmi.

« Al-Jabr » a fini par donner « algèbre« .

Et étonnement Al-Khawarizmi a donné « algorithme » (en référence à ces méthodes qu’il fallait suivre pas à pas), pour vous en convaincre voici un extrait de l’oeuvre Al-jabr wa’l-muqabalah traduite en Latin 400 ans après.

Regardez bien le début, on lit

« Dixit algorizmi » qui se traduit par « D’après Al-Khawarizmi ».

Le nom latinisé a fini par donner  « algorithme« .

Continuons!

III. Le sinus (et cosinus)

Encore un problème de traduction!

Replaçons le contexte, les indiens ont été très performant en mathématiques surtout appliquée à l’astronomie aux alentours du 7e siècle.

Ils ont inventé ce qu’on pourrait appeler des fonctions en sanskrit : jyā (ज्या) et  koti-jyā (कोटि ज्या)

Dans un schéma  moderne voici ce que l’on obtiendrait :

jyā de l’arc \overset{\frown}{AB} est la longueur BM

koti-jyā de l’arc \overset{\frown}{AB} est la longueur OM

 

Un regard mathématique nous suffit pour remarquer qu’à l’arc \overset{\frown}{AB}, on peut associer l’angle θ et on obtient :

jyā (\overset{\frown}{AB})= R . sinus (θ)

koti-jyā (\overset{\frown}{AB})= R .cosinus (θ)

On fait donc bien le lien avec nos fonctions trigonométriques, mais pourquoi ce mot sinus qui signifie cavité ou baie?

Premier temps : le mathématicien indien Âryabhata (VIe siècle) utilise le mot jîva ou jyāqui signifie corde.

Deuxième temps : le mathématicien arabe Al-Fazzârî (VIIIe siècle) arabise ce mot en jîba, mot n’ayant pas de signification en arabe.

Le terme  jyā a été adopté par les premiers mathématiciens arabes et ils prononçaient « Jiba« . Par la suite cela s’est transformé en « Jaib« , Gérard de Crémone (XIIe siècle) un des premiers traducteurs d’œuvres latino-arabes a confondu le mot « Jiba« avec » Jaib« (d’autant plus facilement qu’en arabe, les voyelles sont parfois omises ). C’est un mot arabe ayant une prononciation similaire, mais avec le sens précis et différent de  «poitrine» ou «baie».

Ces traducteurs ont associé le mot  « Jaib » par le mot  « sinus » (mot latin ayant le sens de «sein» ou «baie»). Lorsque « jya » est devenu sinus, naturellement « koti-jyā » (écrit parfois « ko-jyā« ) est devenu « ko-sinus » puis  « co-sinus » et enfin plus tard »cosinus« . (Par conséquent aucun lien entre « co » et le « cum » latin qui veut dire « avec » ou « à côté de » qui aurait pu faire référence au côté adjacent ou à l’appareillement des deux fonctions jya et ko-jya)

Cette histoire du mot  » sinus « est marrante car elle suit le chemin de la trigonométrie en sanskrit de l’Inde, à travers la langue arabe de Bagdad à travers l’Espagne, en Europe occidentale dans la langue latine, puis de langues modernes telles que l’anglais ou le français…

Bon c’est tout pour aujourd’hui….

 

 

 

A propos de l'auteur :

Enseignant de mathématiques : collège Belle-vue de Loué Membre de l'équipe du "Rallye mathématique de la Sarthe" blog : mathix.org

a écrit 1146 articles sur mathix.org.

Vous avez aimé cet article ? Alors partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :

Licence Creative Commons

Démarrez une conversation

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *