La bosse des maths?

Ca y est! Encore un appel à une maman pour lui exprimer les difficultés que rencontre son enfant dans les cours de maths. Je lui demandais comment travaillait son enfant, si elle avait de l’aide, et au lieu de répondre à mes questions la maman me coupe l’herbe sous le pied prétextant qu’elle-même est nulle en maths.

 

Quel prof de maths n’a pas entendu de la part des parents : « d’t’façon j’étais nul en maths donc c’est normal que ma fille soit nulle en maths » ? Comme si la tare des maths était héréditaire! Cette sorte de fatalisme face aux difficultés rencontrées en maths qui font que un à un des élèves relâchent tout effort : «  Bah monsieur ma maman m’a dit que j’étais nulle comme elle, donc je peux pas faire mieux,non? » ,  comment aborder cette situation?

Derrière cette question de la bosse des mathématiques, il se dégage à mon avis un problème plus vaste qui va au delà de la croyance pour cette transmission génétique de cette fameuse bosse. Voici ordonnées, les idées extraites d’un dialogue que j’ai eu avec une psychologue.

 

I. Une perception différente du monde.

Un constat simple dans nos cours, il y a les « littéraires » , ce sont ces élèves qui écrivent beaucoup, quitte à allonger les phrases pouvant parfois les rendre « lourdes » . Souvent on remarque que ce sont des élèves très scolaires, consciencieux.

Il y a, ensuite, les « scientifiques » , ce sont ces élèves qui préfèreraient le schémas démonstratif à la rédaction d’une démonstration, leurs phrases sont nettement plus courtes et parfois les raisonnements sont trop concis, qui possèdent l’intuition, savent dé-contextualiser des situations..

D’ailleurs ne le dit-on pas? « Celui là il a un profil plutôt littéraire ou plutôt scientifique. »

En bref, ranger nos élèves dans ces deux cases, est à peu près simple et aisé pour nous, enseignant.

Je vais donc m’appuyer sur cette différenciation pour donner d’autres critères de classement.

Je rangerai les élèves avec les sens sur les profils suivants :

  • L’auditif
  • Le visuel
  • Le kinesthésique

 

  • L’auditif serait un élève dont le sens le plus utilisé pour découvrir le monde est l’ouie. Comment le reconnaître? Il suffit de voir les élèves qui chuchotent pour lire un texte, ou bouge les lèvres. C’est un processus qui rappelle au corps la diction, « on entend le texte » , on ne le lit pas réellement. A l’écrit, ces élèves sont plus susceptibles de faire de longues phrases et de longs raisonnements, à l’instar  de nos discours pour expliquer une notion qui sont généralement plus longues que les phrases explicatives que l’on écrit ensuite, plus concises. Ce serait les plus dociles, sujet à obéir à un ordre oral, plus enclin au dialogue.

 

  • Le visuel serait un élève qui utiliserait le plus la vue. Il est facile à reconnaître, quitte à choisir un schéma représentant une situation sur la droite des milieux, ou le théorème, il choisira le schéma, « plus clair, plus lisible » . Il sera d’ailleurs capable d’extraire le théorème du schéma. Il possède une capacité d’abstraction plus accrue et sait extraire les informations essentielles et dé-contextualiser des situations de problèmes.

 

  • Le kinesthésique est l’élève qui utilise le toucher pour appréhender le monde. Plus rare, ce sont des élèves plus décrocheurs car le système scolaire n’est pas adapté pour eux. Ce sont des enfants qui doivent vivre la situation pour la comprendre. Voyons un exemple plus concret, une élève de 5e a un problème pour comprendre l’addition des nombres relatifs, après maints et maints essais, sa perception des nombres relatifs a été efficace que lorsque j’ai conçue pour elle une réglette avec des graduations et un curseur. Elle additionnait les nombres en bougeant ce curseur, elle vivait la situation. Ce sont des élèves pour qui la contextualisation simple peut les aider à résoudre les problèmes. En transformant par exemple « 4x=5 alors x= »  en  « J’ai 4 pommes , qui pèse 5 kilos, quel est le poids d’ une pomme? ».

 

Il est simple de comprendre que nos « littéraires » se rangent dans les cases kinesthésiques et auditifs et les « scientifiques » dans le visuel.

 

II. Que faire de ce constat?

Dans un premier temps, sans doute de façon provocatrice, je dirai que les parents ont sans doute raison. Des parents ayant un certain profil, de part leur éducation qu’ils transmettent à leur enfant, donneront le même à leur enfant. Histoire d’atténuer cette affirmation, je dirai que  tous les acteurs entrant en jeu dans l’éducation de l’enfant modèlent son profil.

Il est vrai qu’arrivé au collège, le profil de l’enfant semble déjà bien engagé, mais nous y avons encore notre part d’action.

 

Voyons où nous en sommes, nous avons identifié les sens premiers de nos chers chérubins.

Identifier les sens privilégiés de nos élèves nous permet de mieux les aborder, parler leurs langages. On sait que pour un tel le schémas d’une configuration de Pythagore suffira pour qu’il l’apprenne et le comprenne, pour une telle, il faudra un cas traité, pour d’autres, il faudra « voir » les carrés, les manipuler par une application de géométrie dynamique (même si le logiciel de géométrie peut paraître visuel, il reste pour moi un outil « kinesthésique » car on peut modifier les situations.).

A nous donc de parler ce triple langage pour atteindre l’ensemble de la classe : Être conscient de cette différence de perception.

A nous donc d’élaborer des stratégies diverses pour le bien des élèves, afin qu’il puisse accéder aux connaissances et à la compréhension.

Mais en rester là, me semble insuffisant. C’est bien, nous avons adapté notre enseignement, mais nous avons fait le plus simple, non?

Trouver un moyen de développer les autres sens chez l’élève devrait être l’objectif de sorte qu’il gagne en autonomie.

 

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Quel moyen avons-nous? Devons-nous faire le « forcing » comme on donnait aux enfants de l’huile de foie de morue pour éviter d’être malade? « A force d’en prendre il va finir par aimer! » . Va-t-il vraiment développer ses autres sens?Non!

En s’adaptant aux élèves, ne les laissons-nous pas  dans une sorte de confort?

Peut-être que l’objectif pour être autonome est que l’élève élabore des stratégies qui lui sont propres pour palier justement à ses « carences » .

Élaborer seul ou accompagné des stratégies pour avancer, c’est sans doute là le vrai enjeu de l’éducation, faire en sorte qu’un élève face à une situation soit autonome,qu’il n’ait pas peur de l’inconnu…

Encore hier, un élève me demandait s’il ne pouvait pas tracer un triangle à main levée pour voir la situation (un enfant visuel) . En effet, l’énoncé de l’exercice était exclusivement textuel, aucune figure pour aider à la compréhension. Ma réponse positive a débloqué 5-6 élèves qui se refusaient de la construire car « ce n’était pas marqué que c’était autorisé, monsieur« .

L’élève se met souvent beaucoup de barrières. Il faut les mettre dans des situations nouvelles pour qu’il ne s’en mette pas…

Accompagner l’enfant dans la recherche de stratégies, bien sûr s’il y arrive seul, c’est mieux, intellectuellement, il percevra mieux les connaissances et saura les sauvegarder de façon efficace. En revanche, accompagner l’élève dans cette recherche, ne signifie pas lui donner une stratégie toute faite à chaque fois. nous le savons, des élèves sont plus fatigables que d’autres, il faut donc identifier la stratégie qu’il commence à élaborer et lui éviter les erreurs qui peuvent lui coûter en confusion et/ou temps perdu ceci sans remettre en cause la notion d’erreur qui permet aussi un apprentissage.

 

III. Conclusion

Permettre des cheminements différents nécessite des situations ouvertes. C’est là le vrai outil que nous avons, nous enseignants.

Penser aux problèmes d’estimations,  problèmes de recherches, ce sont de vrais outils clé en main pour laisser les élèves dans l’autonomie.

 

A propos de l'auteur :

Enseignant de mathématiques : collège Belle-vue de Loué Membre de l'équipe du "Rallye mathématique de la Sarthe" blog : mathix.org

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Un commentaire

  1. Bonjour Arnaud,
    Une pépite dans ma bibliothèque sur le sujet qui t’intéresse:
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    Bises
    Martine

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