Cela fait 5 ans, maintenant que j’ai entendu parler d’évaluation par compétences : « pas de note et plus de sens! » En travaillant sur un projet (mathix à l’époque qui est devenu scolatix.org) nous avions commis l’erreur de faire la confusion entre l’évaluation par items/objectifs et l’évaluation par compétences. Bien sûr dans la pratique, elles « fonctionnent » de manière quasi-identique. La différence se tient sur ce que l’on évalue. De ce que j’ai vu comme projet « Osiris, sacoche, scolatix, Gibix » ce sont des projets tournant autour de l’évaluation par Objectif (ou items mais je préfère parler d’objectifs). Maintenant intéressons-nous d’abord à ce qu’est une compétence.
I.Compétence : sa définition.
a) Une compétence n’est pas un objectif.
Une compétence n’est pas un objectif car en soi elle ne peut pas être atteinte. Je m’explique, une compétence se développe tout le temps suivant les situations que nous rencontrons. De plus, elle est relative à la complexité des situations. Nous mobilisons la même compétence dans une tâche simple ou complexe, c’est d’ailleurs ce qui rend difficile son évaluation.
De plus penser atteindre une compétence, c’est penser que l’on a rencontré toutes les situations possibles où mobiliser cette compétence même les situations auxquelles justement on n’a pas pensé, et aussi être sûr que l’on sera capable de la mobiliser à tous les coups, c’est absurde par définition.
b) Une compétence se développe en situation
Il n’y a pas de théorie, par exemple, la compétence liée à l’utilisation du vélo, ne s’apprend pas seulement en se disant : « j’appuie sur une pédale puis l’autre et je tourne le guidon pour garder l’équilibre » . Il faut donc des situations graduelles pour développer la compétence. Elle s’appuie sur les actions que l’on mène à travers les situations.
« C’est en forgeant qu’on devient forgeron ».
c) Une compétence ne peut pas se découper.
C’est une différence majeure avec les objectifs! Ces derniers peuvent se détailler par micro-objectifs qui mène au résultat.Il y a un chemin vers la finalité.
Dans une compétence, c’est plus complexe, il n’y a pas de linéarité dans l’acquisition progressive de celle-ci. En effet, par exemple, la compétence liée à l’usage de la voiture, on peut très bien d’abord savoir manœuvrer une voiture sans pourtant connaître le code de la route ou le fonctionnement de la voiture.
En plus, la découper pour obtenir « Savoir passer des vitesses » ?!!! Mais quelqu’un qui n’a conduit que sur des voitures à embrayage automatique ne sait-il pas conduire?
Bref la notion de compétence se rattache à un ensemble d’acquis, aucun n’est réellement obligatoire. Par exemple, quelqu’un qui sait tout faire sur une voiture, sauf la démarrer, dit-on qu’il sait utiliser une voiture? Je pencherais pour l’affirmation.
On remarque qu’ici, tout d’abord la notion de compétences acquises s’appuie sur une appréciation subjective qui fait référence sans doute à notre expérience. En effet, je dirai, par exemple, que de ne pas savoir comment un moteur fonctionne n’est pas handicapant pour avoir la compétence car moi-même je ne le sais pas, et je pense bien conduire. Ce qui serait de même pour ceux dépassant les limites de vitesses….
d) Une compétence s’adapte à des situations différentes
Là, on voit que la conduite de voiture s’adapte à toutes les voitures automatiques ou non, à trois roues, au scooter…
Bref, l’usage d’une compétence est un ensemble d’acquis permettant d’appréhender la nouveauté. Il s’agit, en vérité, d’autonomie vis-à-vis d’une situation concrète que nos expériences permettent de gérer.
e) Une compétence n’est pas basée sur les faits passés mais sur ce que l’on peut faire dans l’avenir.
Élément plutôt parlant : Quand nous voyons sur un CV, les compétences sur les langues par exemple.
L’individu parle bien de ce qu’il peut faire et mettre à disposition de l’entreprise.
Parler d’une compétence qu’on ne peut pas utiliser dans le futur n’a pas de sens….
De plus,dans cette optique, une compétence s’acquiert sur le long terme.
f) Une compétence se (res)sent.
Difficile pour moi d’exprimer clairement cette idée, mais je vais essayer. Une compétence est dite acquise (si on peut parler de réelle acquisition comme on a vu en a)…), que si l’individu sait qu’il la possède. En effet, car cela veut dire qu’il est capable de la mobiliser en situation. Quelqu’un qui n’a pas conscience de cette compétence ne pourra donc pas la mobiliser. Il faut donc développer cette conscience pour que l’individu la confronte à ses expériences et puisse la développer.
L’enrichissement par l’expérience ne peut exister que si l’on a conscience de la compétence que l’on travaille.
II. Objectif : sa définition
a) Un objectif : une action vers un apprentissage
Un objectif est un but à atteindre, il y a donc une notion de cheminement, puis de complétude. La complétude mène à une satisfaction, satisfaction que l’on ne peut pas avoir en parlant de compétence. De plus un objectif est précis, et par conséquent, on « voit » le trajet qui mène à sa validation.
Enfin, cette validation se concrétise par des situations, le jugement, que l’on a, porte sur les faits et non sur l’avenir ou la potentialité qu’a l’apprenant à pouvoir réutiliser son savoir.
b) Une situation plus précise, qui peut rester générale : compétencialité d’un objectif.
Bien sûr un objectif peut être généralisé, ce qui d’ailleurs me tendrait parfois à parler de « compétencialité » de l’objectif. En effet, facile de rendre général un objectif. « Savoir utiliser le théorème de Pythagore dans toutes situations ».
On pourrait croire qu’ici c’est une compétence! Bien sûr, hors contexte, c’est impossible de différencier les deux.
La nuance réside, justement si on parle de cet intitulé comme compétence ou objectif. Si c’est un objectif, tant que les faits sont là, l’objectif est atteint. Alors qu’en tant que compétence, il faudra se poser la question si l’apprenant est dans une posture où il saura faire appel à cette compétence dans l’avenir.
c) Un objectif : on l’a atteint ou on ne l’a pas atteint, on se base sur les faits.
Comme on l’a deviné dans les précédents points, l’objectif s’atteint et n’a de valeurs que sur des faits concrets.Il n’y a pas de prévisions à faire. On pourrait croire qu’il est plus simple de juger si l’objectif est atteint ou non, mais comme la plupart des objectifs que nous donnons, nous les évaluons dans des tâches complexes, il n’en reste pas moins que cela est difficile.
III . Évaluer par compétences : pas si simple!
Comme on l’a vu faire la différence entre compétence et objectif reste ardu.
Évaluer par compétences est extrêmement difficile, et repose uniquement sur de nombreuses mises en situation qui permettent de mettre au jour des compétences acquises (toujours si on peut parler d’acquisition).
De plus, il est plus simple d’affirmer qu’un enfant possède une compétence que de dire qu’il ne la possède pas.
Posez-vous la question si votre mère sait calculer avec des nombres…. Essayez de réellement trancher la question de manière sûre!
Je pratique ainsi depuis plusieurs années en lycée professionnel et la grande difficulté en matière d’évaluation reste la transformation de la compétence en une note que nous réclame l’institution.
La notation d’une production valorise avant tout la vitesse d’intégration de la compétence par l’apprenant.
Ce n’est pas parce que la dite compétence n’est pas entièrement acquise à l’instant T qu’elle ne le sera pas à T+1 ou à T+10 cependant la note restera figée.
J’approuve complètement l’analyse de la note. On fige l’échec, et donc on ne laisse pas la possibilité à l’apprenant d’évoluer. C’est dommage.
J’utilise aussi l’évaluation par compétences en lycée pro de façon très régulière et j’essaie d’éviter la double évaluation note/compétences:
-j’utilise Sacoche pour mes évaluations. A chaque fin de séquence, je sors une note « activités » qui correspond au % de réussite donné par le logiciel. Les élèves savent à quoi correspond cette note,et savent qu’ils peuvent se rattraper sur l’une ou l’autre des compétences sur un autre séquence.
– je note traditionnellement aussi les interrogations, mais celles-ci prennent finalement assez peu d’importance dans la moyenne, elles permettent aux élèves de faire le point sur leurs connaissances et savoirs-faire.
– j’ai aussi des notes de DM, de TP, d’activités sur Labomep pour les motiver ponctuellement.
– d’autre part un bilan de compétences fait par séquence (Sacoche toujours) paraît sur Pronotes dans la rubrique « Compétences ».
Après étude, j’ai remarqué que la moyenne d’un élève ainsi faite correspond à un écart de 1 point max (en plus ou en moins) au % de réussite de compétences toutes séquences confondues. Je trouve donc que le calcul est assez représentatif pour satisfaire tous les acteurs du système.
Seul hic, je suis obligée de « rentrer » mes compétences sur Sacoche, de faire à chaque fin de séquence un bilan en % et de le reporter sur Pronotes. Il a fallu que je me fasse des tableaux pour optimiser le temps passé, car je ne peux faire de transfert direct.
D’autre part, il a fallu que je réfléchisse bien pour créer mon référentiel de compétence sur Sacoche au départ (j’ai fait trois essais avant d’avoir un système à peu près cohérent et il est encore perfectible).
J’ai montré tout mon système lors de ma dernière inspection, et l’avis a été très favorable (inspection de Nice Maths-sciences).
bonjour,
j’ai vraiment été très intéressée par ton article.
je note par objectifs, et pas par compétences.
comme tu le dis si bien, noter des compétences est extrêmement difficile (déjà que noter par objectif l’est) et finalement, je ne m’en sens pas capable.
pour l’élève, être noté par objectif lui permet de se situer (j’utilise moi aussi sacoche).
je ne pense pas que ce soit le cas de la notation par compétences.
Bonjour,
tout ceci est très bien expliqué, et je suis parfaitement d’accord. Je note moi-même à la fois par compétences et par objectifs, les compétences revenant à chaque évaluation tandis que les objectifs changent.
Cependant je trouve assez compliquée l’évaluation par compétences: il est difficile de dire à un élève qu’il n’a pas acquis la compétence; c’est plutôt qu’il ne l’a pas encore au niveau souhaité. À l’inverse, on peut difficilement dire qu’il a complétement acquis une compétence; c’est plutôt qu’il a atteint le niveau visé, tel que défini dans le référentiel des compétences.
Au collège, je simplifiais beaucoup ces compétences pour qu’elles aient un sens auprès des élèves, sans quoi ils n’en comprenaient pas bien la signification ni l’utilité. Au lycée, je pense les garder telles que définies et expliquer aux élèves ce que l’on attends d’eux exactement au travers de ces compétences.
Pour les objectifs, en revanche, c’est assez différent. Un élève peut parfaitement réussir un objectif (par exemple « calculer une proportion ») sur un énoncé simple, et ne pas y arriver sur un énoncé plus complexe (parce qu’il a des difficultés au niveau de l’analyse de la situation). Donc, techniquement, il peut avoir faux à la question « calculer la proportion… » de l’énoncé complexe et avoir tout de même atteint le niveau « basique » de l’objectif. J’en suis donc à me demander s’il ne faudrait pas faire des niveaux d’acquisition aux objectifs.
Cela m’ennuie car si je travaille ainsi, l’élève qui ne sait pas résoudre l’énoncé plus complexe perdra des points à la fois sur son niveau de connaissance et sur la compétence associée à l’analyse…
Malgré la complexité de cette notation, je la préfère largement aux notes! Un élève qui a 8/20 à un devoir dira immanquablement « j’ai complètement raté ». Un élève qui a des connaissances et compétences évaluées pourra dire « je sais calculer une proportion, mais j’ai du mal avec les pourcentages ». Ce qui est nettement plus utile!
Cependant, il faut encore fournir une note….Je transforme donc les réussites de l’élève en pourcentage de réussite puis remets le tout sur 20. Et c’est là que ça devient très subjectif: Soit on estime que chaque connaissance et compétence à la même importance, soit on juge que l’une est plus importante que l’autre et vaut donc plus de points, mais combien de plus? (et de quel droit dévaloriser une connaissance par rapport à une autre!) bref, sans la notation derrière je m’en sortirais bien mieux.
Merci pour votre site qui me donne toujours plein d’idées dans mon travail!
quelques confusions….dans ces commentaires
enseigner par compétences est une bonne pratique si vous fixez bien les objectifs au préalable et construisez votre cours en fonction ainsi que votre évaluation.
après, vous pouvez choisir d’evaluer ces compétences avec ou sans note , dès lors que la note se rapporte bien à une compétence (donc sans amalgames)
c’est un choix qu’il faut faire en fonction de deux priorités, avec les notes on privilégie le niveau de l’élève mais on voit plus pourquoi, et si vous évaluez en binaire acquis ou non-acquis, on sait pourquoi mais on évacue le niveau