Bonjour à toutes et à tous!
On présentait le dispositif en début d’année aux parents, je crois qu’il est temps de faire un point étape, officieux ici et sans doute plus tard un peu plus officiel du point de vue de mon labo.
Nous sommes donc en expérimentation de l’enseignement des cours de mathématiques avec une population non-mixte (que des garçons ou que des filles).
NE PARTEZ PAS, LISEZ, JE VOUS PROMETS QUE VOUS ALLEZ TROUVER CELA INTÉRESSANT ! NOUS ÇA NOUS A VRAIMENT PERTURBÉ !
Cette expérimentation est née d’une réflexion de notre laboratoire de mathématiques il y a un peu moins d’un an. Notamment le décrochage des filles en mathématiques qui semblerait induit par une croyance de leur incapacité renforcé par un regard du genre opposé et également une sur-estime des garçons quant à leurs capacités. On parle de prévalence bien entendu.
Tester la non-mixité nous semblait être une bonne approche (approche qui existe dans des dispositifs de stage au lycée( je pense aux cigales, aux fourmis)
L’idée est plurielle :
- tester l’influence de la (non-) mixité dans les cours
- tester l’impact du genre de l’enseignant
- Récupérer le ressenti des élèves face à ce dispositif.
- Faire prendre conscience de l’influence sur les comportements par la mixité et non-mixité.
C’est un sujet houleux. Il l’est réellement. Pouvoir faire cette expérimentation a été compliquée, nous avons reçu plusieurs réserves de deux personnes (CARDIE et inspection) et d’un syndicat (qui a fait un tapage avec beaucoup de désinformation…. ), pour le reste nous avons eu des soutiens plus ou moins direct (DASEN, inspecteurs, CARDIE, Claude ROIRON chargée de mission auprès du ministre, et une chercheuse devenue cette année IG Nathalie SAYAC et deux chercheurs Hugo HARAKI-KERMADEC et Cindy CHATEIGNER ces deux derniers chercheurs de l’académie d’Orléans-Tours participent à l’expérimentation officiellement).
Le soutien le plus ferme aura été celui de notre principale,Mme DUPUIS qui, même si elle avait hésité au début « trouvant le sujet intéressant mais… », elle aura été sur tous les fronts pour nous aider ensuite, elle était prête à beaucoup , mais vraiment beaucoup pour la réussite de l’expérimentation (d’ailleurs son point de bascule aura été son appel avec l’inspecteur qui ne nous soutenait pas…. si ce dernier savait…).
Alors je ne jette pas la pierre aux personnes contre ou pour, même si travailler sur la lourde préparation de cette expérimentation sans savoir si on allait pouvoir la faire aura été épuisant, on peut comprendre qu’au premier abord l’idée semble rétro.
(d’ailleurs quand Charline a proposé l’idée, j’ai cru à une blague et puis quand elle m’a dit non je suis sérieuse, j’ai trouvé l’idée vraiment pas si idiote. (Si ça gênait, pourquoi? Qu’a-t-on peur de voir se passer?)
Comme l’aura dit une personne que j’estime beaucoup et qui est de la CARDIE « C’est un sujet éminemment politique ».
Bref, il est temps de présenter cette expérimentation et comment elle se déroule, ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire.
Qui ?
Le labo est constitué de Gabriel BOULANGER, Nathalie BRICARD, Charline PEUVREL et Arnaud DURAND (moi).
Charline et moi sommes les enseignants concernés directement par l’expérimentation.
Nous sommes suivi par deux chercheurs Hugo Harari-Kermadec et Cindy Chateignier. S’entourer de chercheurs nous a permis un cadrage plus scientifique, notamment sur les sondages et également sur les hypothèses a formuler. Nos visios régulières nous ont d’un appui précieux.
On a également une personne de la CARDIE, celle qui était farouchement contre (ne voulant pas la mettre dans l’embarras je ne la nommerai pas), qui a donc changé son fusil d’épaule et qui nous avoué avoir changé sa propre pratique et trouvé l’idée bonne. Il a souhaité nous aider en septembre et nous a fourni de nombreuses critiques pour améliorer les fiches d’observations de séances et va venir à nos réunions de labo prochainement.
On a également Damien RIVIERE notre accompagnateur de labo (prof dans un collège en Mayenne), primo convaincu, il a un vrai œil critique sur ce que l’on fait, son analyse des comportements est précieux.
Je vais également parler de Laure ETEVEZ qui est intervenue auprès de nos élèves.
La lettre de cadrage présentée à la DASEN de la Sarthe en juin (Mohammed NASSIRI ayant annulé sa venue pour raison personnelle, Laure ETEVEZ l’aura remplacé au pied levé, merci à elle d’ailleurs!).
Les points clés
Septembre (cours en mixité):
- Test d’une activité avec habillage sur une croyance genrée.
J’en parle ici : https://mathix.org/linux/archives/19722
L’idée était de tester la communication entre parent et enfant, de tester aussi l’assimilation d’une croyance et enfin d’en voir les effets sur les résultats
- Présentation de l’expérimentation auprès des parents (qui ont accueilli très positivement notre choix d’expérimentation)
- Intervention de Laure ETEVEZ sur le droits des femmes, les inégalités femme-homme et les stéréotypes genrées. voir l’article du ouest France : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/loue-72540/des-stereotypes-en-question-au-college-d8e91c1c-ef8e-4ea3-bd41-01f39cc25d7c
L’idée est de faire prendre conscience des stéréotypes genrées (notamment avec un atelier où l’on devait deviner le genre de la personne avec un portrait sur ses sports, activité et passion.)
Les élèves ont donc pris conscience qu’il y avait pas mal d’idées reçues.
Novembre (cours en mixité):
Les cours en non mixité ont donc commencé !! On avait hâte!
J’ai donc en charge des 5AC-filles et 5CD-Garçons, Charline a l’inverse, les 5BD-filles et 5AC-Garçons.
Nous nous sommes filmé en plus des observations, alors elle s’appuie sur un comparatif Fille Garçons et également c’est une prévalence, mais nettement plus claire qu’on ne l’aurait pensé. Cela a caricaturé les comportements genrées, ils sont très visibles!
Nos impressions globalement se rejoignent à peu près (quelques différences qui pourraient s’expliquer par le fait que je sois un homme et elle une femme).
Chez les filles :
Les cours avec les filles sont plus calmes, les élèves participent, n’ont pas peur de faire des erreurs et sont moins dans la réserve (qu’en mixité). C’est un point sur lequel on pensait les faire évoluer, mais en fait, elles sont déjà en confiance, comme si ce manque de confiance était inhérent à la non-mixité (les garçons prenant trop de place?)
Les filles sont plus autonomes globalement. Un cours commence rapidement, vous verriez la différence entre la mise en place du cours pour les filles celle des garçons !
Bref, on se retrouve avec des élèves qui ont compris leu missions d’élèves et qui participent tout en s’écoutant.
Du côté de Charline le tutoiement avec elle est arrivé rapidement, un peu comme si Charline était intégrée à son groupe d’élèves (cette appropriation dans le groupe s’est retrouvée chez moi avec les garçons).
Pour la prise de risque, lors d’une activité de type défi, les élèves filles ont pu être bloquées au début quant à avoir une rédaction et une présentation correcte, moins de « gribouillages » qui suggère qu’elles accordent autant d’importance à la forme qu’au fond.
Chez les garçons :
Chez les garçons, on est plutôt sur un comportement individuel, les élèves ont tendance à reposer les mêmes questions car il n’écoutait pas les questions des autres, et également en cas d’erreurs sont capables de dire, « t’as faux, j’ai raison » sans chercher à se remettre en cause et s’en donner d’explications. On est plus sur une rivalité qu’une coopération. La mise en place est bruyante et nécessite plus de rappel à l’ordre.
Dans mon groupe de garçons, les élèves participent beaucoup mais se chambrent entre eux et même osent parfois me critiquer, sans forcément de remise en cause de mon statut, un peu comme si on était entre garçons dans un même groupe. (mon genre pourrait être donc la raison que cela ne se passe pas de la même manière chez Charline). Il y a donc une rivalité entre eux sans qu’elle soit pesante plus sous la forme d’un jeu, des élèves timides ont pu aller au tableau sans être gêné.
Du côté de Charline, cette compétitivité a été un frein, les élèves sont moins participatifs à l’oral, il semble y a voir un regard et une pression sociale, les élèves peuvent se regarde entre eux avant de parler. (visible dans la vidéo).
La prise de risque individuellement sans parler à l’oral est nettement meilleurs mais les élèves chez Charline ont pu refuser d’exposer leur stratégies, car mince, je veux pas montrer aux autres que je travaille.
De notre côté en tant qu’enseignant cela a eu aussi un impact (qui a été dur à reconnaître).
J’ai eu tendance à dire beaucoup « aller les gars on y va » tandis qu’avec les filles, je me refusais à dire « aller les filles », je nomme les filles individuellement. Comme si je m’incluais dans le groupe des garçons et pas celui des filles. Pour les garçons, j’ai tendance à les renvoyer dans leurs questions (qui sont pas toujours de l’ordre de la notion) tandis que pour les filles je ne renvois que rarement les questions à la classe, je valide tout de suite (comme pour les rassurer?) , j’en viens à passer le message qu’il n’y a que moi qui puise valider et pas le reste de la classe…. Ouille!
Charline, elle , m’a fait part lors de sa rédaction de synthèse pour l’expérimentation avoir mis « avec les filles » et « face aux garçon » ce qui suggère également une mise à distance du genre opposé.
Bref, cette expérimentation met en évidence et caricature même des comportements qu’on ne pensait pas avoir !
Nous avons évoqué ensemble d’avantages de problèmes de décodages du langage non-verbal dans le groupe au genre opposé.
Côté élèves le ressenti
Pour les élèves, en vie de classe (toutes n’ont pas été fait encore, mais on a des premiers résultats), les élèves apprécient la non-mixité.
Mais pour deux raisons bien distinctes et vraiment là de manière binaire :
Les filles car on travaille mieux et les garçons car il y a une meilleur ambiance…..
Cela suggère quand même une approche stéréotypée de l’école, mais est-elle induite ? Si oui comme nous le pensons, par qui ?
On va donc là envoyer un sondage auprès des élèves et des parents pour capturer le premier ressenti.
Des séances d’observations vont continuer la semaine prochaine et aussi en janvier quand les élèves seront à nouveau en mixité, l’idée est de voir les changements comportementaux chez nous & chez les élèves!!
A voir donc pour la suite !