Catégorie : Réflexions

Expérimentation : influence des stéréotypes genrés

Bonjour à toutes et à tous!

On présentait le dispositif en début d’année aux parents, je crois qu’il est temps de faire un point étape, officieux ici et sans doute plus tard un peu plus officiel du point de vue de mon labo.

Nous sommes donc en expérimentation de l’enseignement des cours de mathématiques avec une population non-mixte (que des garçons ou que des filles).

NE PARTEZ PAS, LISEZ, JE VOUS PROMETS QUE VOUS ALLEZ TROUVER CELA INTÉRESSANT ! NOUS ÇA NOUS A VRAIMENT PERTURBÉ !

Cette expérimentation est née d’une réflexion de notre laboratoire de mathématiques il y a un peu moins d’un an. Notamment le décrochage des filles en mathématiques qui semblerait induit par une croyance de leur incapacité renforcé par un regard du genre opposé et également une sur-estime des garçons quant à leurs capacités. On parle de prévalence bien entendu.

Tester la non-mixité nous semblait être une bonne approche (approche qui existe dans des dispositifs de stage au lycée( je pense aux cigales, aux fourmis)

L’idée est plurielle :

  • tester l’influence de la (non-) mixité dans les cours
  • tester l’impact du genre de l’enseignant
  • Récupérer le ressenti des élèves face à ce dispositif.
  • Faire prendre conscience de l’influence sur les comportements par la mixité et non-mixité.

C’est un sujet houleux. Il l’est réellement. Pouvoir faire cette expérimentation a été compliquée, nous avons reçu plusieurs réserves de deux personnes (CARDIE et inspection) et d’un syndicat (qui a fait un tapage avec beaucoup de désinformation…. ), pour le reste nous avons eu des soutiens plus ou moins direct (DASEN, inspecteurs, CARDIE, Claude ROIRON chargée de mission auprès du ministre, et une chercheuse devenue cette année IG Nathalie SAYAC et deux chercheurs Hugo HARAKI-KERMADEC et Cindy CHATEIGNER ces deux derniers chercheurs de l’académie d’Orléans-Tours participent à l’expérimentation officiellement).

Le soutien le plus ferme aura été celui de notre principale,Mme DUPUIS qui, même si elle avait hésité au début « trouvant le sujet intéressant mais… », elle aura été sur tous les fronts pour nous aider ensuite, elle était prête à beaucoup , mais vraiment beaucoup pour la réussite de l’expérimentation (d’ailleurs son point de bascule aura été son appel avec l’inspecteur qui ne nous soutenait pas…. si ce dernier savait…).

Alors je ne jette pas la pierre aux personnes contre ou pour, même si travailler sur la lourde préparation de cette expérimentation sans savoir si on allait pouvoir la faire aura été épuisant, on peut comprendre qu’au premier abord l’idée semble rétro.

(d’ailleurs quand Charline a proposé l’idée, j’ai cru à une blague et puis quand elle m’a dit non je suis sérieuse, j’ai trouvé l’idée vraiment pas si idiote. (Si ça gênait, pourquoi? Qu’a-t-on peur de voir se passer?)

Comme l’aura dit une personne que j’estime beaucoup et qui est de la CARDIE « C’est un sujet éminemment politique ».

Bref, il est temps de présenter cette expérimentation et comment elle se déroule, ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire.

Qui ?

Le labo est constitué de Gabriel BOULANGER, Nathalie BRICARD, Charline PEUVREL et Arnaud DURAND (moi).

Charline et moi sommes les enseignants concernés directement par l’expérimentation.

Nous sommes suivi par deux chercheurs Hugo Harari-Kermadec  et Cindy Chateignier. S’entourer de chercheurs nous a permis un cadrage plus scientifique, notamment sur les sondages et également sur les hypothèses a formuler. Nos visios régulières nous ont d’un appui précieux.

On a également une personne de la CARDIE, celle qui était farouchement contre (ne voulant pas la mettre dans l’embarras je ne la nommerai pas), qui a donc changé son fusil d’épaule et qui nous avoué avoir changé sa propre pratique et trouvé l’idée bonne. Il a souhaité nous aider en septembre et nous a fourni de nombreuses critiques pour améliorer les fiches d’observations de séances et va venir à nos réunions de labo prochainement.

On a également Damien RIVIERE notre accompagnateur de labo (prof dans un collège en Mayenne), primo convaincu, il a un vrai œil critique sur ce que l’on fait, son analyse des comportements est précieux.

Je vais également parler de Laure ETEVEZ qui est intervenue auprès de nos élèves.

La lettre de cadrage présentée à la DASEN de la Sarthe en juin (Mohammed NASSIRI ayant annulé sa venue pour raison personnelle, Laure ETEVEZ l’aura remplacé au pied levé, merci à elle d’ailleurs!).

Les points clés

Septembre (cours en mixité):
  • Test d’une activité avec habillage sur une croyance genrée.

J’en parle ici : https://mathix.org/linux/archives/19722

L’idée était de tester la communication entre parent et enfant, de tester aussi l’assimilation d’une croyance et enfin d’en voir les effets sur les résultats

  • Présentation de l’expérimentation auprès des parents (qui ont accueilli très positivement notre choix d’expérimentation)

L’idée est de faire prendre conscience des stéréotypes genrées (notamment avec un atelier où l’on devait deviner le genre de la personne avec un portrait sur ses sports, activité et passion.)

Les élèves ont donc pris conscience qu’il y avait pas mal d’idées reçues.

Novembre (cours en mixité):

Les cours en non mixité ont donc commencé !! On avait hâte!

J’ai donc en charge des 5AC-filles et 5CD-Garçons, Charline a l’inverse, les 5BD-filles et 5AC-Garçons.

Nous nous sommes filmé en plus des observations, alors elle s’appuie sur un comparatif Fille Garçons et également c’est une prévalence, mais nettement plus claire qu’on ne l’aurait pensé. Cela a caricaturé les comportements genrées, ils sont très visibles!

Nos impressions globalement se rejoignent à peu près (quelques différences qui pourraient s’expliquer par le fait que je sois un homme et elle une femme).

Chez les filles :

Les cours avec les filles sont plus calmes, les élèves participent, n’ont pas peur de faire des erreurs et sont moins dans la réserve (qu’en mixité). C’est un point sur lequel on pensait les faire évoluer, mais en fait, elles sont déjà en confiance, comme si ce manque de confiance était inhérent à la non-mixité (les garçons prenant trop de place?)

Les filles sont plus autonomes globalement. Un cours commence rapidement, vous verriez la différence entre la mise en place du cours pour les filles celle des garçons !

Bref, on se retrouve avec des élèves qui ont compris leu missions d’élèves et qui participent tout en s’écoutant.

Du côté de Charline le tutoiement avec elle est arrivé rapidement, un peu comme si Charline était intégrée à son groupe d’élèves (cette appropriation dans le groupe s’est retrouvée chez moi avec les garçons).

Pour la prise de risque, lors d’une activité de type défi, les élèves filles ont pu être bloquées au début quant à avoir une rédaction et une présentation correcte, moins de « gribouillages » qui suggère qu’elles accordent autant d’importance à la forme qu’au fond.

Chez les garçons :

Chez les garçons, on est plutôt sur un comportement individuel, les élèves ont tendance à reposer les mêmes questions car il n’écoutait pas les questions des autres, et également en cas d’erreurs sont capables de dire, « t’as faux, j’ai raison » sans chercher à se remettre en cause et s’en donner d’explications. On est plus sur une rivalité qu’une coopération. La mise en place est bruyante et nécessite plus de rappel à l’ordre.

Dans mon groupe de garçons, les élèves participent beaucoup mais se chambrent entre eux et même osent parfois me critiquer, sans forcément de remise en cause de mon statut, un peu comme si on était entre garçons dans un même groupe. (mon genre pourrait être donc la raison que cela ne se passe pas de la même manière chez Charline). Il y a donc une rivalité entre eux sans qu’elle soit pesante plus sous la forme d’un jeu, des élèves timides ont pu aller au tableau sans être gêné.

Du côté de Charline, cette compétitivité a été un frein, les élèves sont moins participatifs à l’oral, il semble y a voir un regard et une pression sociale, les élèves peuvent se regarde entre eux avant de parler. (visible dans la vidéo).

La prise de risque individuellement sans parler à l’oral est nettement meilleurs mais les élèves chez Charline ont pu refuser d’exposer leur stratégies, car mince, je veux pas montrer aux autres que je travaille.

De notre côté en tant qu’enseignant cela a eu aussi un impact (qui a été dur à reconnaître).

J’ai eu tendance à dire beaucoup « aller les gars on y va » tandis qu’avec les filles, je me refusais à dire « aller les filles », je nomme les filles individuellement. Comme si je m’incluais dans le groupe des garçons et pas celui des filles. Pour les garçons, j’ai tendance à les renvoyer dans leurs questions (qui sont pas toujours de l’ordre de la notion) tandis que pour les filles je ne renvois que rarement les questions à la classe, je valide tout de suite (comme pour les rassurer?) , j’en viens à passer le message qu’il n’y a que moi qui puise valider et pas le reste de la classe…. Ouille!

Charline, elle , m’a fait part lors de sa rédaction de synthèse pour l’expérimentation avoir mis « avec les filles » et « face aux garçon » ce qui suggère également une mise à distance du genre opposé.

Bref, cette expérimentation met en évidence et caricature même des comportements qu’on ne pensait pas avoir !

Nous avons évoqué ensemble d’avantages de problèmes de décodages du langage non-verbal dans le groupe au genre opposé.

Côté élèves le ressenti

Pour les élèves, en vie de classe (toutes n’ont pas été fait encore, mais on a des premiers résultats), les élèves apprécient la non-mixité.

Mais pour deux raisons bien distinctes et vraiment là de manière binaire :

Les filles car on travaille mieux et les garçons car il y a une meilleur ambiance…..

Cela suggère quand même une approche stéréotypée de l’école, mais est-elle induite ? Si oui comme nous le pensons, par qui ?

On va donc là envoyer un sondage auprès des élèves et des parents pour capturer le premier ressenti.

Des séances d’observations vont continuer la semaine prochaine et aussi en janvier quand les élèves seront à nouveau en mixité, l’idée est de voir les changements comportementaux chez nous & chez les élèves!!

A voir donc pour la suite !

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Travail sur la mixité en 5e en mathématiques au Collège Bellevue de Loué

Depuis 2023, le laboratoire de mathématiques a ouvert au collège Bellevue de Loué. L’équipe de ce laboratoire s’est fixée pour mission de développer des ressources et dispositifs visant à diversifier les approches didactiques en mathématiques et favoriser l’égalité Fille-Garçon au sein de cette discipline.

Avant de vous présenter l’expérimentation que nous souhaitons mettre en place à la rentrée 2024, il semble important de revenir sur les réflexions qui nous ont menés à ce projet.

I. Constat chiffré : point de départ de la réflexion

Dans le quotidien de nos classes, nous constatons qu’il est fréquent que les élèves filles doutent de leur capacité, au point de freiner leur progression, et qu’à contrario certains élèves garçons surestiment leur niveau, au point de ne pas tenir compte des conseils et méthodes. Ces perceptions faussées de leur réussite nous semblent délétères pour ces élèves.

Plusieurs rapports et conférences, font état d’un désengagement massif des élèves-filles en mathématiques dans leurs cursus scolaires :

IPP 2024, IGESR jan 2023, IGESR fév 2023,Observatoire des inégalités 2023, IGESR nov 2022,INE 2022, Mathématiques et lutte contre stéréotypes séxués 2022, TIMSS 2019,

L’évolution du ratio du nombre de filles et du nombre de garçons dans les filières scientifiques a nettement régressé au point d’en revenir à celui de 1962.

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Le tout dernier élément est celui de l’Institution des Politiques Publiques qui a publié en 2024 un rapport analysant finement la scolarité de cohortes d’élèves. Il a pointé un recul des filles sur les mathématiques dès le CE1, phénomène entretenu au collège et devenu visible au lycée au moment des choix d’options.

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II. Des explications possibles.

Depuis plusieurs années, nous avons développé dans nos pratiques des outils permettant d’évaluer le ressenti des élèves vis-à-vis de leur réussite. Pour cela, les élèves, à chaque évaluation, devaient s’auto-évaluer.

Quelques auto-évaluations d’élèves-filles :

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Quelques auto-évaluations d’élèves-garçons.

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Ces quelques exemples illustrent parfaitement un phénomène, celui d’un défaut de perception de ses capacités chez les élèves-filles et les élèves-garçons. Les premières ayant tendance à sous-évaluer leur travail alors que les derniers ont tendance à le sur-estimer.

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Le désengagement mathématique des élèves-filles peut donc trouver une explication dans ce manque de lucidité.

Cela permet également d’expliquer une présence moindre à l’oral des filles en cours de mathématiques vis-à-vis des garçons : un manque de confiance en leurs capacités de réussite et un regard trop exigent sur l’échec.

III. Un problème plus global

À la lecture d’un ouvrage « Les matheuses » écrit par trois chercheuses en mathématiques qui ont compilé une enquête auprès de jeunes lycéennes présentes dans les filières scientifiques, nous avons retrouvé le phénomène expliqué plus haut, confirmant au passage notre analyse.

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Ce livre va plus loin et présente également des mots d’encouragements d’enseignants adressés à des élèves filles et garçons, mettant en exergue une prévalence genrée dans les appréciations.

Les enseignants « auraient » tendance à louer les capacités des garçons malgré un manque de travail, alors que pour les filles, c’est davantage le travail soigné et un manque de confiance qui seraient soulignés. Ce sont des exemples, mais permettant d’illustrer que les enseignants reconnaîtraient davantage le travail sérieux des filles alors qu’on reconnaîtrait les capacités intellectuelles des garçons. Autrement dit les enseignants participeraient à l’entretien de ces stéréotypes!

Ainsi au-delà du stéréotype entretenu par conformisme (je suis une fille adolescente, j’agis comme je pense que je dois agir telle que ce qu’on attend de moi), il semblerait que l’école participe à l’entretien de ces stéréotypes.

On peut imaginer également que les parents ont également un rôle, étant des acteurs éducatifs de premier plan.

Nous avons donc trois niveaux d’action du stéréotype :

  • L’élève par le conformisme social.
  • Les professeurs par leur accompagnement, leurs appréciations et encouragements écrits ou oraux.
  • Les parents par leurs encouragements écrits ou oraux.

IV. Faire prendre conscience de l’existence de ces stéréotypes

A ce jour, il existe déjà quelques expérimentations, notamment au lycée qui se cantonnent à des stages. Ces derniers sont d’une dizaine de jours pour des lycéennes volontaires en classe de 1ère afin qu’elles prennent confiance en leurs capacités de recherche en mathématiques (Stage : « les cigales » , « les mouettes savantes » …). Ces stages reçoivent un écho favorable auprès des intéressées : meilleure estime de soi, confiance en sa capacité de réussite, disponibilité pour la réflexion, une liberté de « parole » également.

A partir de notre expérience professionnelle, nous partons de ces observations :

  • Une plus faible participation des filles en classe
  • Un désengagement des garçons face à la rigueur (notamment la production écrite)
  • Une prévalence pour une sous-estimation des capacités chez les filles et la sur-estimation chez les garçons
  • Une évolution comportementale entre la 6e et la 4e

Nous restons conscients que ces constats ne concernent pas l’intégralité des élèves mais une majorité prédominante.

En ce sens, nous aimerions interroger les limites constatées de la mixité dans les cours de mathématiques. Pour cela nous souhaitons tester la non-mixité dans ces derniers pour en observer l’impact à différents échelons :

  • motivation scolaire et engagement face à l’effort.
  • résultat scolaire en mathématiques
  • relations aux autres et aux enseignants
  • connaissance de soi

In fine de manière plus globale, sensibiliser à l’échelon de la communauté éducative aux stéréotypes de genre car il semble que les interactions entre enseignants et élèves restent profondément marquées par les représentations sociales du masculin et du féminin notamment par les appréciations dans les bulletins, évaluations ainsi que les encouragements en classe.

La non-mixité temporaire permettrait donc de travailler sur une meilleure lucidité des élèves concernant leurs niveaux et leurs capacités de réussite ainsi que des enseignants concernant leurs communications envers les élèves.

Aussi nous souhaitons proposer aux élèves de 5eme une expérimentation pour questionner leur posture et leur auto-estimation lors des cours de mathématiques non-mixtes sur une partie de l’année.

In fine, cela permettra à l’équipe de poursuivre les réflexions engagées sur les gestes et postures professionnels autour de cette thématique.

A plus long terme, nous pensons que cela engagera une réflexion auprès des parents face aux stéréotypes de genre au collège, à la maison et dans la société.

V. L’expérimentation

Les élèves concernés sont l’ensemble des élèves de 5eme du collège Bellevue.

Les besoins des élèves sont donc bien des besoins mathématiques, celui de questionner la perception biaisée & genrée de leur capacité mathématique.

Les enseignants suivront une progression annuelle commune et mettront en place les mêmes dispositifs (activité flash, auto-évaluation, travail en groupe…)

Des temps de concertation sont prévus ainsi qu’un suivi par le laboratoire de mathématiques du collège.

Deux enseignants seront donc responsables de ce niveau : Mme Charline PEUVREL (Professeure de mathématiques & chargée de mission d’inspection) et Mr Arnaud DURAND (Professeur de mathématiques & formateur). Chaque enseignant aura en charge deux groupes, un groupe de garçons et un groupe de filles, afin d’éviter de normaliser leur perception des élèves et la prise en charge du groupe d’élèves.

Planification de l’expérience.

Les trois premières semaines les élèves seront en mixité dans leur classe. Les classes de 5eme étant alignées en barrette de deux classes, les élèves feront connaissance aussi bien avec Mme PEUVREL que M DURAND : en effet, une alternance des enseignants est prévue afin de permettre aux élèves de découvrir les deux enseignants et ainsi favoriser le passage en groupes non-mixtes dans de bonnes conditions pour tous les élèves.

Cela permettra également de présenter l’expérimentation aux parents mi-septembre, de les rendre parti-prenante du dispositif, de clarifier nos objectifs et répondre à leurs questions.

Un questionnaire/sondage sera donné aux parents (sur la gestion des stéréotypes de genre dans la cellule familiale) et également aux élèves pour aborder la notion du regard des autres, de la perception de soi-même, de ses qualités mathématiques. C’est en quelque sorte un cliché des élèves à l’instant 0 pour quantifier les évolutions durant l’expérience.

À chaque période nous ferons le point avec les élèves, mais aussi entre enseignants, afin de questionner l’expérience et décider de la poursuite ou non. En effet, si des effets délétères étaient constatés, nous pourrions mettre fin à l’expérimentation et retrouver les classes habituelles.

Durant l’expérimentation, un suivi plus fin du comportement de certains des élèves, aussi bien en cours de mathématiques que dans les matières scientifiques (SVT, Technologie, Sciences Physiques) aura lieu. Il permettra de repérer si des comportements différents sont à l’œuvre en groupe mixte et non-mixte.

C’est bien un projet d’équipe du collège que nous vous présentons et non seulement l’œuvre de l’équipe de mathématiques. Cette réflexion sur les effets de la mixité au collège anime aussi l’équipe de sciences et l’ensemble des enseignants.

Nous espérons une réflexion de nos élèves et une prise de conscience de certains effets de la mixité qui les amènent à faire des choix volontaires :

  • l’émergence de leader élèves filles en mathématiques durant la période en groupe non-mixte (comme tout groupe qui se crée, une micro-société émerge souvent avec l’émergence de leader),
  • également chez les garçons, la mise en lumière de qualité de travail soigné chez certains puissent rejaillir chez les autres (sans avoir l’écueil dans les groupes non-mixtes de la pensée subversive « normal, c’est une fille »)

Avant la fin de l’année, il est prévu un retour en groupe mixte et l’étude de la viabilité du comportement, ce dernier est-il pérenne ? Comment le rendre pérenne ?

VI. Conclusion

C’est une expérimentation qui n’a, à notre connaissance, jamais eu lieu et qui provoque un vif intérêt de la part des personnes avec lesquelles nous avons partagé notre démarche (notamment des responsables de dispositifs de stage, d’enseignants ayant déjà fait des conférences sur les stéréotypes de genres…).

Au regard des premières réactions, c’est une expérimentation clivante qui surprend d’abord, qui fait réagir, puis qui fait réfléchir. Elle peut faire naître un rejet émotionnel fort puisqu’elle fait écho à un sujet sensible celui de la déconsidération féminine et pourtant c’est tout l’inverse que nous cherchons.

Une première intervention de Mohamed NASSIRI (enseignant de mathématiques et conférencier qui a travaillé sur les stéréotypes de genre au lycée) est prévue en octobre 2024 avec ces élèves de 5e.

Un second travail annexe sera mené sur les mathématiciennes de renom et notamment Sylvie BENZONI-GAVAGE qui nous fera le plaisir de venir le 16 janvier 2025 au collège pour parler avec nos élèves de 4e sur son parcours et ses difficultés. On souhaite ici présenter à nos élèves un modèle féminin qui puisse inculquer aux élèves-filles la possibilité de faire des mathématiques poussées (les maths cela peut être pour moi). Cette dernière s’est montrée dans un écrit favorable à ce genre d’expérimentation.

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Réflexion sur la mixité de genre en mathématiques en classe

Bonjour à toutes et à tous.

Bon je vais exposer des idées sur un sujet houleux, donc sans nul doute je ne vais pas autoriser les commentaires…

Bref, commençons.

Tout part d’une réflexion d’une collègue tout-à-fait sérieuse : « Et si on s’autorisait à faire des groupes de filles et des groupes de gars afin de travailler sur la perception de soi vis-à-vis des mathématiques ».

Je souris, au premier abord, je trouve l’idée rétrograde, ce qui me gène c’est que c’est ma collègue qui dit ça, j’ai beaucoup d’estime pour elle donc je me dis qu’il faut creuser l’idée, pourquoi elle dit ça ? Et pourquoi ce serait une mauvaise idée de ne pas le faire ? (c’est ce qu’on appelle une attitude scientifique, pour confirmer une hypothèse, il faut travailler sur l’hypothèse contraire et voir les bons arguments et les mauvais et ainsi réfuter cette dernière.)

De manière concomitante, je reçois le livre « les matheuses ». Et là c’est le déclic, en fait il y a un vrai problème de genre dans la perception des mathématiques qui va bien au delà de l’école mais que l’école entretient (par une dose d’affect genré mais j’y reviendrai ) et que les élèves entretiennent (par auto-censure)

Donc quel est le problème avec les filles et les garçons en mathématiques ?

Alors on a des articles de presse qui présentent le phénomène qui démarre dès le CP et qui s’accentue au collège et qui de conforte au lycée (par le biais des choix de spécialité)

https://www.radiofrance.fr/franceinter/les-filles-decrochent-peu-a-peu-en-maths-une-equation-a-resoudre-1539015

Il y a donc un carrefour au collège même si le problème débute très tôt.

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Donc on a à l’école un problème de décrochage avec les mathématiques

Au lycée ce n’est pas mieux .

https://www.leprogres.fr/education/2022/10/05/le-nombre-de-filles-en-filiere-scientifique-chute-massivement-depuis-la-reforme-du-lycee

On retrouve un décrochage massif des filles avec d’ailleurs une accélération avec la réforme Blanquer.

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Je me suis donc mis en tête de lire le livre les matheuses qui présente un regard élève sur les filières scientifiques et également des statistiques sur les bulletins écrits par les enseignants à propos des garçons et des filles.

Tout ceci amène à penser à l’auto-censure et également un entretien de cette dévalorisation par les enseignants (et bigre en lisant ça, ça m’a pas mal questionné, au début dans le déni et après je me dis que parfois je peux sans le vouloir entretenir cela et pourtant les mots que j’emploie c’est pour simplement aider les élèves…)

Et ce livre illustre parfaitement les rouages mis en place dans l’entretien du manque de confiance que les filles peuvent avoir vis-à-vis des mathématiques. Alors j’irai même plus loin, je pense que ce phénomène est bien plus vaste.

Que met en évidence le livre ?

I. La perception de soi

Alors commençons par des points que j’avais déjà mis en évidence par mes expériences

  • la perception négative des filles par rapport à leurs capacités.
  • leur regard dévaluateur par rapport à leur production, elles savent qu’elles travaillent mais ce n’est jamais assez bien.
  • la surabondance de confiance des garçons quant à leurs capacités et ce malgré des productions mauvaises.

Alors comment j’ai mis en évidence cela au collège ?

J’avais parlé il y a quelques années d’un cartouche de contrôle où je demande à tous les élèves ce qu’ils pensent de leur production à la fin de l’évaluation, au début c’était pour me permettre de faire des appréciations efficaces, si un élève reconnaît qu’il ne gère pas telle ou telle notion, alors il me suffisait d’abonder en son sens, si par contre l’élève était dans le déni, à moi de trouver les mots.

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Et j’ai vu un phénomène arriver …

Aucune fille n’osait mettre qu’elle était hyper satisfaite, voir même seulement elle mettait la 2e émiticone,alors que la copie était PARFAITE et avec un commentaire négatif estimant qu’elle aurait pu faire plus. et à l’inverse des élèves garçons qui ont tendance à se surévaluer car « ils ont compris » (mais entre comprendre et savoir rédiger , expliquer, mener des calculs… on se retrouve avec des copies d’un niveau moyen.)

Alors ce n’est pas binaire, mais la prévalence est réelle et le test est simple à mettre en place en questionnant les élèves.

Donc une question se pose

Quelle influence ont les élèves entre eux ?

II Les appréciations

Donc vient la suite du livre qui là m’a remis en question ce sont les appréciations des enseignants.

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Alors il peut y avoir une tendance chez des enseignants (je m’y mets volontiers) sans conscience réelle de comment peut être perçus les messages.

On a tendance pour des garçons à signifier : « Manque de travail mais à les capacités » « Dynamique en classe » et pour les filles « Doit prendre confiance en elle » « Travail sérieux et soigné »

Derrière ces deux messages, il y a un fort sous-entendu, celui du rapport à l’émotion pour les filles et une évaluation uniquement sur le travail. Rarement on aura tendance à reconnaître des capacités (en ces mots) et pour les garçons, même en regard d’un manque de travail on va reconnaître ses capacités (il peut faire mieux).

Cela a deux effets délétères :

  • On estime le travail chez les filles avec un regard sur les émotions pour les filles.
  • on estime les capacités chez les garçons et on mésestime le travail qu’ils peuvent faire.

Toujours reconnaître les capacités chez un garçon peut avoir un effet pervers :

« A quoi ça sert de travailler, monsieur? Car j’ai les capacités? Je sais que je peux faire »

En fait à force de ne pas les voir, les capacités les élèves n’en ont plus.

On évoquera rarement un manque de confiance possible pour les garçons.

Pour les filles, reconnaître leur peur, leur manque de confiance, c’est entretenir qu’elles manquent de confiance, validant implicitement qu’elles doivent manquer de confiance car ça vient bien de quelque part… On en viendrait à dire qu’elles ont des défauts forcément.

Bref, afin de ne pas dénaturer votre propre perception, je vous engage à faire un bilan de toutes les appréciations générales, ( ce que j’ai fait) et de voir comment sont perçus les élèves. ( à part les maxi sérieuses ?… Quoi que on dira , sérieux c’est en lien avec les capacités ou le travail ??)

Ce n’est pas binaire mais il y a une prévalence. Mais le manque de confiance est réel, mais l’entretient-on avec ces appréciations ?

Et puis les garçons peuvent avoir une tendance à exister plus en classe, donc peut aussi avoir tendance à plus les interroger et surtout moins interroger les élèves timides qui sont souvent … des filles (pas que mais quand même), donc on pourrait penser qu’on entretient le fait que les élèves garçons ont plus à dire que les filles, non ?

Donc une question se pose

Quelle influence ont les enseignants?

III. Les parents

On peut aller plus loin sur le regard des parents vis-à-vis de leurs enfants, ce que les enseignants peuvent avoir comme influence, il est naturel de penser que les parents peuvent entretenir cela…

Déjà , le principe d’hérédité mère-fille père-fils que des parents peuvent évoquer et qui inciterait les élèves à se conformer en un modèle qu’ils connaissent. Pour peu que la famille soit patriarcale, on entretient donc le phénomène.

Il serait donc utile de voir les messages véhiculés par les parents sur leurs enfants.

Donc une question se pose

Quelle influence ont les parents ?

IV. Une expérimentation

Une idée est donc venue.

Provoquer un changement de cadre brutal qui pourra amener à la réflexion pour les élèves , les enseignants et les parents. Choquer pour faire réfléchir (un peu comme un caricature fait réflechir).

Isoler pour aider au dialogue et à l’échange.

En fait , créer un espace non-mixte pour faire prendre conscience de l’influence du rapport fille-garçon dans la perception de soi, se questionner est-ce que je me sens mieux? Pour les garçons également … je pense sincèrement que l’atmosphère ne peut que changer. (en bien ou mal ça….)

Et donc une question, un souhait ? Si on tentait une classe non mixte sur un temps court? 1 à 6 mois, voir 1 an si besoin? Juste pour voir ce qu’il en ressort? Mesurer les effets, faire se questionner les élèves sur l’influence de genre ?

Faire évoluer sur la perception de soi, de questionner les influences entre pairs en classe, dans le milieu familial.

Et si en science (SVT Techno Physique) les élèves seraient en classes mixtes, alors avec des indicateurs bien choisis on pourrait mesurer l’influence du rapport fille-garçon et faire évoluer les comportements.

En fait de se poser la question sur ces influences mériterait qu’on essaie?

(de toute façon cela ne les empêcherait pas de faire des maths)

C’est une réflexion de laboratoire.

La non mixité est évoqué dans le livre les matheuses a déjà été testé au lycée avec le stage les cigales et un bilan très positif :

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Et je terminerai par un article de Sylvie Benzoni-Gavave :

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