Bonjour à toutes et à tous.
Bon je vais exposer des idées sur un sujet houleux, donc sans nul doute je ne vais pas autoriser les commentaires…
Bref, commençons.
Tout part d’une réflexion d’une collègue tout-à-fait sérieuse : « Et si on s’autorisait à faire des groupes de filles et des groupes de gars afin de travailler sur la perception de soi vis-à-vis des mathématiques ».
Je souris, au premier abord, je trouve l’idée rétrograde, ce qui me gène c’est que c’est ma collègue qui dit ça, j’ai beaucoup d’estime pour elle donc je me dis qu’il faut creuser l’idée, pourquoi elle dit ça ? Et pourquoi ce serait une mauvaise idée de ne pas le faire ? (c’est ce qu’on appelle une attitude scientifique, pour confirmer une hypothèse, il faut travailler sur l’hypothèse contraire et voir les bons arguments et les mauvais et ainsi réfuter cette dernière.)
De manière concomitante, je reçois le livre « les matheuses ». Et là c’est le déclic, en fait il y a un vrai problème de genre dans la perception des mathématiques qui va bien au delà de l’école mais que l’école entretient (par une dose d’affect genré mais j’y reviendrai ) et que les élèves entretiennent (par auto-censure)
Donc quel est le problème avec les filles et les garçons en mathématiques ?
Alors on a des articles de presse qui présentent le phénomène qui démarre dès le CP et qui s’accentue au collège et qui de conforte au lycée (par le biais des choix de spécialité)
Il y a donc un carrefour au collège même si le problème débute très tôt.

Donc on a à l’école un problème de décrochage avec les mathématiques
Au lycée ce n’est pas mieux .
On retrouve un décrochage massif des filles avec d’ailleurs une accélération avec la réforme Blanquer.


Je me suis donc mis en tête de lire le livre les matheuses qui présente un regard élève sur les filières scientifiques et également des statistiques sur les bulletins écrits par les enseignants à propos des garçons et des filles.
Tout ceci amène à penser à l’auto-censure et également un entretien de cette dévalorisation par les enseignants (et bigre en lisant ça, ça m’a pas mal questionné, au début dans le déni et après je me dis que parfois je peux sans le vouloir entretenir cela et pourtant les mots que j’emploie c’est pour simplement aider les élèves…)
Et ce livre illustre parfaitement les rouages mis en place dans l’entretien du manque de confiance que les filles peuvent avoir vis-à-vis des mathématiques. Alors j’irai même plus loin, je pense que ce phénomène est bien plus vaste.
Que met en évidence le livre ?
I. La perception de soi
Alors commençons par des points que j’avais déjà mis en évidence par mes expériences
- la perception négative des filles par rapport à leurs capacités.
- leur regard dévaluateur par rapport à leur production, elles savent qu’elles travaillent mais ce n’est jamais assez bien.
- la surabondance de confiance des garçons quant à leurs capacités et ce malgré des productions mauvaises.
Alors comment j’ai mis en évidence cela au collège ?
J’avais parlé il y a quelques années d’un cartouche de contrôle où je demande à tous les élèves ce qu’ils pensent de leur production à la fin de l’évaluation, au début c’était pour me permettre de faire des appréciations efficaces, si un élève reconnaît qu’il ne gère pas telle ou telle notion, alors il me suffisait d’abonder en son sens, si par contre l’élève était dans le déni, à moi de trouver les mots.










Et j’ai vu un phénomène arriver …
Aucune fille n’osait mettre qu’elle était hyper satisfaite, voir même seulement elle mettait la 2e émiticone,alors que la copie était PARFAITE et avec un commentaire négatif estimant qu’elle aurait pu faire plus. et à l’inverse des élèves garçons qui ont tendance à se surévaluer car « ils ont compris » (mais entre comprendre et savoir rédiger , expliquer, mener des calculs… on se retrouve avec des copies d’un niveau moyen.)
Alors ce n’est pas binaire, mais la prévalence est réelle et le test est simple à mettre en place en questionnant les élèves.
Donc une question se pose
Quelle influence ont les élèves entre eux ?
II Les appréciations
Donc vient la suite du livre qui là m’a remis en question ce sont les appréciations des enseignants.

Alors il peut y avoir une tendance chez des enseignants (je m’y mets volontiers) sans conscience réelle de comment peut être perçus les messages.
On a tendance pour des garçons à signifier : « Manque de travail mais à les capacités » « Dynamique en classe » et pour les filles « Doit prendre confiance en elle » « Travail sérieux et soigné »
Derrière ces deux messages, il y a un fort sous-entendu, celui du rapport à l’émotion pour les filles et une évaluation uniquement sur le travail. Rarement on aura tendance à reconnaître des capacités (en ces mots) et pour les garçons, même en regard d’un manque de travail on va reconnaître ses capacités (il peut faire mieux).
Cela a deux effets délétères :
- On estime le travail chez les filles avec un regard sur les émotions pour les filles.
- on estime les capacités chez les garçons et on mésestime le travail qu’ils peuvent faire.
Toujours reconnaître les capacités chez un garçon peut avoir un effet pervers :
« A quoi ça sert de travailler, monsieur? Car j’ai les capacités? Je sais que je peux faire »
En fait à force de ne pas les voir, les capacités les élèves n’en ont plus.
On évoquera rarement un manque de confiance possible pour les garçons.
Pour les filles, reconnaître leur peur, leur manque de confiance, c’est entretenir qu’elles manquent de confiance, validant implicitement qu’elles doivent manquer de confiance car ça vient bien de quelque part… On en viendrait à dire qu’elles ont des défauts forcément.
Bref, afin de ne pas dénaturer votre propre perception, je vous engage à faire un bilan de toutes les appréciations générales, ( ce que j’ai fait) et de voir comment sont perçus les élèves. ( à part les maxi sérieuses ?… Quoi que on dira , sérieux c’est en lien avec les capacités ou le travail ??)
Ce n’est pas binaire mais il y a une prévalence. Mais le manque de confiance est réel, mais l’entretient-on avec ces appréciations ?
Et puis les garçons peuvent avoir une tendance à exister plus en classe, donc peut aussi avoir tendance à plus les interroger et surtout moins interroger les élèves timides qui sont souvent … des filles (pas que mais quand même), donc on pourrait penser qu’on entretient le fait que les élèves garçons ont plus à dire que les filles, non ?
Donc une question se pose
Quelle influence ont les enseignants?
III. Les parents
On peut aller plus loin sur le regard des parents vis-à-vis de leurs enfants, ce que les enseignants peuvent avoir comme influence, il est naturel de penser que les parents peuvent entretenir cela…
Déjà , le principe d’hérédité mère-fille père-fils que des parents peuvent évoquer et qui inciterait les élèves à se conformer en un modèle qu’ils connaissent. Pour peu que la famille soit patriarcale, on entretient donc le phénomène.
Il serait donc utile de voir les messages véhiculés par les parents sur leurs enfants.
Donc une question se pose
Quelle influence ont les parents ?
IV. Une expérimentation
Une idée est donc venue.
Provoquer un changement de cadre brutal qui pourra amener à la réflexion pour les élèves , les enseignants et les parents. Choquer pour faire réfléchir (un peu comme un caricature fait réflechir).
Isoler pour aider au dialogue et à l’échange.
En fait , créer un espace non-mixte pour faire prendre conscience de l’influence du rapport fille-garçon dans la perception de soi, se questionner est-ce que je me sens mieux? Pour les garçons également … je pense sincèrement que l’atmosphère ne peut que changer. (en bien ou mal ça….)
Et donc une question, un souhait ? Si on tentait une classe non mixte sur un temps court? 1 à 6 mois, voir 1 an si besoin? Juste pour voir ce qu’il en ressort? Mesurer les effets, faire se questionner les élèves sur l’influence de genre ?
Faire évoluer sur la perception de soi, de questionner les influences entre pairs en classe, dans le milieu familial.
Et si en science (SVT Techno Physique) les élèves seraient en classes mixtes, alors avec des indicateurs bien choisis on pourrait mesurer l’influence du rapport fille-garçon et faire évoluer les comportements.
En fait de se poser la question sur ces influences mériterait qu’on essaie?
(de toute façon cela ne les empêcherait pas de faire des maths)
C’est une réflexion de laboratoire.
La non mixité est évoqué dans le livre les matheuses a déjà été testé au lycée avec le stage les cigales et un bilan très positif :


Et je terminerai par un article de Sylvie Benzoni-Gavave :
