Contexte :
À 8h00 du matin, j’ai reçu 26 retours d’exercices, dont un envoyé à 1h30 du matin (par un élève absent ce jour-là). Quelques élèves étaient grippés.
J’avais donc face à moi 25 paires d’yeux qui me scrutaient, curieux de savoir ce que j’avais préparé. Douche froide, je leur annonce que je n’ai pas eu le temps (en fait si, héhéhé) de traiter leurs réponses et qu’on y reviendrait plus tard, je démarre mon cours normalement.
Déroulement de l’expérience :
1. Mise en situation :
Je leur demande, comme d’habitude, de sortir leurs cahiers de brouillon pour un petit exercice au tableau. Je projette alors l’Exercice 7, mais sans afficher son titre. Tout le monde comprend immédiatement qu’il s’agit du fameux exercice traité à l’aide de ChatGPT.

Je dessine le tableau de données suivant afin de le compléter.
Je leurs précise qu’il n’y a que trois valeurs à déterminer.
Donc je leur lance :
- Moi : « Qui se souvient d’une valeur ? »
- Silence gêné.
- Moi : « Qui ne sait pas ? »
- Toutes les mains se lèvent.
2. Débat : Pourquoi ce résultat ?
- Élève 1 : « On ne va pas apprendre les résultats des exos par cœur ! »
- Élève 2 : « Moi perso, j’ai rien regardé de ce qu’elle (ChatGPT) a fait. »
- Moi : « Alors, mettons les mains dans le cambouis, faites-moi l’exercice ! »

Les résultats sont les suivants :
- Moyenne : 17 élèves sur 25 ont réussi.
- Les 8 autres ont soit additionné toutes les notes directement (6 + 8 + 10 +…), soit fait des erreurs dans les priorités opératoires (parenthèses manquantes).
- Médiane : Échec total.
- Étendue : Réussie dans l’ensemble, sauf pour 9 élèves qui, bloqués sur les premières questions, n’ont pas traité cette partie.
Bilan intermédiaire : Globalement positif pour des élèves de 3e, mais ces compétences sont attendues en 4e, donc peu de surprises. Seule la médiane pose des problèmes, il s’agit d’une notion de 3e, qui plus est dans un tableau
Réflexion collective et retour à l’IA :
Lorsque j’ai demandé : « Pourquoi la médiane pose problème ? », j’ai affiché quelques réponses des élèves fournies par ChatGPT.




Les élèves ont remarqué qu’un même prompt (voir article précédent ) avait généré des résultats différents, ce qui les a perturbés. J’ai saisi cette occasion pour insister sur :
- La fiabilité relative de ChatGPT.
- Le non-déterminisme de ses calculs.
Les échanges marquants :

- Moi : « Qui a vérifié ou lu ce que ChatGPT faisait ? »
- Élève 1 : « Moi, mais j’ai lâché, c’était trop dur, matter le truc là ! » (nldr le sigma je suppose)
- Élève 2 : « En fait, fallait lire regarde en dessous c’est plus simple mais c’était pas clair quand même. »
- Moi : « Qui a vraiment lu ? »
- Silence général.
J’ai expliqué que dans ce contexte, l’IA ne les avait pas aidés à progresser, mais qu’elle aurait pu si elle avait été utilisée de manière réfléchie.

L’avantage de cette erreur et encore une fois d’insister sur le fait qu’il fait savoir être critique !
Retour à l’autonomie :
Après cette correction collective, les élèves ont poursuivi leur travail avec des exercices en autonomie. Quelques-uns sont venus échanger à la fin sur la manière de mieux travailler avec l’IA. Certains ont suggéré qu’indiquer qu’ils étaient collégiens aurait pu aider ChatGPT à adapter ses réponses. J’ai confirmé cette idée, mais j’ai également rappelé que l’IA ne devrait être utilisée qu’en dernier recours, faute de quoi ils risquent de ne rien apprendre.
Bilan de l’expérience :
À chaud, je considère cette séance comme positive. Elle m’a permis de :
- Identifier les limites de l’utilisation de ChatGPT en classe.
- Montrer que l’IA peut induire une régression si elle est mal exploitée.
- Initier une réflexion sur l’autonomie et l’apprentissage actif.
Cependant, je reste inquiet quant à l’utilisation correcte de l’IA par les élèves. Cette expérience a révélé le risque de « légitimer » un peu trop vite un outil dont certains abusent déjà.
Prochaines étapes :
En fin d’année, je prévois de leur demander un bilan sur l’IA et l’école :
- Où placer l’IA dans leur apprentissage ?
- Comment en faire un allié, comme un grand frère qui guide, sans tomber dans la facilité de copier sans comprendre ?
Toujours un objectif : les aider à percevoir que l’IA peut être un formidable outil… mais qu’elle ne remplacera jamais l’effort et la réflexion personnelle.