Mais « J’aime bien mon métier… »

copie de plage3Ça y est, les vacances se terminent, il est l’heure pour moi de raccrocher un peu le blog! Ca me démangeait, mais je savais ni par où ni sur quoi commencer. En fait j’ai envie parler un peu de la perception qu’ont  les autres de nous. Si votre première question est de savoir qui sont les autres, et bien tout simplement ce sont ceux qui ne sont pas enseignants.

Le hasard des vacances, on fait des rencontres, et quand la question fatidique arrive : « Tu fais quoi? »  et que dans notre réponse « Je suis enseignant. » On retrouve à travers le regard de l’autre, un brin de condescendance agrémenté d’un « Ahhhh » et un petit blanc dans la conversation.

 

La vision qu’a la société de l’enseignant (et je parle de l’enseignant du second degré, car je pense que les professeurs des écoles sont encore assez préservés), s’est dégradée dit-on. Pourquoi?

 

Le temps de travail

Le temps hebdomadaire de travail supplémentaire

Difficile de faire comprendre qu’arrivé chez soi le soir, pour nous, le travail continue, rarement on se permet de regarder la télévision le soir… Inimaginable pour un non-initié à l’enseignement.

A ce premier argument, généralement, on nous tend le « vous avez les vacances« . Et paf, bande de fainéants….

education-gouv-frAlors, à ce moment, je parle de diverses enquêtes qui montrent que l’on travaille sans doute plus de 35 h / semaine, généralement en moyenne 40 h /semaine (qui dit moyenne, dit que certains en font même plus)

voir ici

et encore certaines plus récentes noircissent le tableau avec un quota de 41h/ semaine. (Cette dernière augmentation peut s’expliquer par l’introduction du socle commun de connaissance qui malgré son bon côté, a alourdi la charge de travail)

voir ici ou mieux ici

donc à chaque période (7 semaines -> 7*5 = 35h), nous faisons une semaine de plus avec ces 5h supplémentaires hebdomadaires.

Sur nos 36 semaines, nous travaillons en conséquence 5 semaines de plus, soit 41 semaines.

 

Certes il reste pour l’instant 6 semaines de plus par rapport à un travailleur non-enseignant.

 

Pendant nos vacances, on travaille!

Toujours selon ces enquêtes, ajoutons à cela qu’en moyenne, un enseignant travaillera 3  à 4 jours pendant les vacances scolaires (sauf celles d’été).

Soit de 12 à 16 jours travaillés en plus dans l’année.

Arrondissons donc à 2 semaines de travail pendant les vacances.

Il ne reste que 4 semaines de différence : on est sommes toutes déjà très loin du fameux argument : «  Maaaiiiiisss vous avez les 2 mois de vacances et toutes les petites vacances….. »

Certes, on a plus de jours de repos, je l’avoue 4 semaines de plus!

Attendons la suite…..

Le salaire

Alors voyons à combien nous commençons.

A peu près à 1750€ par mois en moyenne (en fait c’est moins, mais on augmente deux fois assez rapidement pour aller à l’échelon 3)

Pour faire une simulation choisissez (certifié et échelon 3) ici.

Ce qui fait un total de 21000€ / an avec un bagage de BAC+5.

Alors à titre de comparaison, il suffit d’aller ici, pour voir ce qu’un BAC+5 en poche peut gagner, j’ai vu au minimum des écart de 4000€/an soit plus de 2 mois de salaire.

Cela vaut-il nos 4 semaines non travaillées?

Qui parle du 13e mois?

Avons-nous un 13e mois? Pour sûr non! Donc aux 2 mois de salaires déjà perdu, s’ajoute ce 3e mois non perçu. Zut!

Quoi ? Prime d’intéressement?

Bien entendu, en tant que fonctionnaire, nous n’avons pas ce genre de prime, non plus.

 

Évolution de carrière?

L’évolution de carrière ne se produit que par les inspections qui en moyenne ne se font que tous les 5 ans, mais certains peu chanceux n’ont pas été inspectés depuis 10 voir même 15 ans.

La pression?

Marrant quand on parle de pression, cela fait toujours sourire…

Un professeur de mathématiques a en charge en moyenne 130 à 150 élèves par an.Notre discipline est pour beaucoup de filières très importante, du moins le bagage du collégien reste très important (au moins jusqu’à la 4e) pour la suite.

C’est alors que doit se conjuguer la gestion d’un groupe classe, et le soutien à fournir individuellement à tous les élèves. Pour beaucoup d’enseignants, on a cœur à ce que les élèves réussissent parfois en les motivant parfois en les grondant (comme le ferait des parents).

On s’inquiète, on s’interroge, on teste, on parle entre nous pour aider notre Téo (prénom d’emprunt) qui est dans la voie du décrochage, comment les plus rapides peuvent-ils aller plus loin alors que d’autres trainent?

lemondePour rire, je disais qu’on avait pas un patron mais 60 patrons par classe, car oui les parents restent présents (heureusement pour beaucoup  sont attentifs au cursus de leurs enfants) et pour certains d’entre eux, ils attendent des résultats. Normal, je dirais.

Déjà l’année dernière, j’ai reçu 3 lettres de parents qui réfutaient certaines de mes sanctions et un parent qui refusait systématiquement toutes les sanctions de mes confrères et de moi-même le professeur principal (15 sanctions).

D’autres s’interrogeaient sur les résultats faibles de leurs enfants, « ça vient du cours, c’est pas possible », ce à quoi on pouvait répondre « Et si votre enfant se mettait au travail tout simplement? ».

Je ne parle pas des nombreuses menaces que notre chère principale du collège a su nous épargner.

Parler de coopération entre parents et professeurs cela semble tellement évident, mais il y a toujours 2-3 parents par classe qui ne fonctionnent pas comme cela, et désavouent notre autorité, notre compétence, notre connaissance de leur enfant dans le collège. Oui, un enfant chez lui et le même au collège n’a pas le même comportement. L’interaction avec ses pairs modifie son attitude.

J’ai souvenir d’un collègue des SVT qui avait préparé une dissection, il avait reçu la lettre du mère choquée qui montrait sa désapprobation de tuer des animaux (même s’ils étaient déjà morts, mais passons…) et qui lui avait indiqué des articles d’un blog qui conseillait de ne pas faire de dissection , http://www.magicmaman.com/, j’ai souri car les IPR conseillent fortement d’en faire, qui doit-on écouter?

 

On dira que notre métier c’est du social, sans doute…. Moi j’aime bien, mais j’avoue que parfois ça me fatigue beaucoup. C’est de l’énergie perdue à la discussion, aux désamorçages des conflits qui pourrait être utilisé à du travail scolaire pour accompagner l’enfant.

 

Bilan

Pour rien au monde je ne changerai de métier, je l’ai choisi, comme beaucoup par vocation, car au vu de la désaffection du métier, autant dire que ceux qui y entrent sont des combattants.

Je ne dis pas aussi que nous sommes à plaindre, oula pas du tout! Juste que tout simplement nous travaillons comme tout le monde, pas plus, pas moins.

 

Il faut voir les résultats au concours, cela fait 5 ans qu’un tiers de postes à pourvoir en mathématiques ne sont pas pourvus, soit 400 postes chaque année, ce qui fait 2000 postes non pourvus et ce malgré le double concours organisé par le gouvernement. (voir en fin d’article)

 

Normal! je dirai, à études comparables, les banques attirent plus les matheux, le salaire y est très alléchant.

Pour rien au monde je changerai, cette mission, quoique salie par les médias (MERCI LES MEDIAS!), me semble la plus noble (avis quelque peu partial, je l’avoue ), celle d’éveiller ce qui sera le futur de notre pays, la nouvelle génération.

J’ajouterai  une réflexion d’une amie :

 Bizarre, non? Personne ne veut de ce métier de fainéant.

Et je terminerai par l’extrait d’un article sur de franceinfo :

Par ailleurs, tout le monde croit connaître l’école pour la simple raison que tout le monde est allé à l’école ! Beaucoup croient connaître le métier d’enseignant sous prétexte que la belle-mère du voisin de ma cousine a un ami qui est prof et tu verrais le phénomène, il est toujours en arrêt maladie, il bosse 15 heures par semaine et part en vacances tout le temps ! La vérité c’est que pour connaître l’école il faut la fréquenter au quotidien, pour connaître le métier de prof il faut l’avoir exercé ! On reproche souvent aux enseignants de ne pas connaître le monde de l’entreprise (« toujours le même vieux débat « entre soi », des enseignants complètement vissés dans leur univers et qui n’en sortent pas »), mais quel paradoxe, quelle ironie de constater que tout le monde semble savoir parfaitement ce qu’est le métier de prof, ce qu’est enseigner, sans avoir la plupart du temps mis les pieds dans une classe depuis l’enfance ! Bref, les profs ne connaissent pas la vraie vie, mais tout le monde connaît la vie des profs… Donc quand les profs s’expriment, n’importe qui peut leur dire qu’ils ont tort et qu’il faut arrêter de se plaindre.

source http://www.lexpress.fr/education/infographie-mathematiques-anglais-les-disciplines-qui-n-attirent-plus-les-profs_1269176.html source http://www.lexpress.fr/education/infographie-mathematiques-anglais-les-disciplines-qui-n-attirent-plus-les-profs_1269176.html

 

A propos de l'auteur : blank

Enseignant de mathématiques : collège Belle-vue de Loué Membre de l'équipe du "Rallye mathématique de la Sarthe" blog : mathix.org

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3 commentaires

  1. Très bon article, j’aime beaucoup la façon dont il est présenté.
    Les gens sont des sots du moins ceux qui pensent que les enseignants sont des « planqués »…
    Bien sur selon l’établissement le travail n’est pas le même…
    bon courage en cette rentrée.
    bien à vous.
    NL Verselli

  2. On aura beau me dire « mais pourquoi tu veux faire un metier comme ça ? » ou « mais qu’est-ce-qui t’ai passé par la tête pour que tu veuilles faire ce métier ? », ça fait 4 ans que j’ai la ferme intention de devenir prof de maths.
    Même si je dois travaillé beaucoup, c’est une idée pour moi que je ne pourrais jamais m’enlever de la tête.
    J’ai eus un prof de maths au collège pendant deux ans que j’ai profondément respecté et admiré, et si j’ai envie d’enseigner, c’est en partie grâce à lui.

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